LE CYCLISTE PENCHÉ

LE CYCLISTE PENCHÉ

Tout ce qu’ici j’écris est vrai, puisque je l’ai totalement inventé !

Il avait commencé par descendre la rue St Mars à très vive allure, à contresens, en évitant de justesse deux ou trois voitures dont les conducteurs l’avaient envoyé aux quatre diables. L’un d’eux avait même été obligé de se déporter suffisamment pour heurter un container à poubelle sur le trottoir et rayer la peinture de sa voiture neuve. Il était sorti de son véhicule très rapidement mais le garçon était déjà loin.

Il avait fini par arriver entier au bas de cette rue, toujours souriant comme s’il se moquait de tout le monde.

Le cycliste s’était ensuite engouffré dans la rue du Ponant, manquant dès l’entrée de la rue de renverser une vieille femme qui traversait tranquillement. La femme surprise en avait lâché la laisse de son petit chien qui en profita pour prendre la poudre d’escampette et se fit assaillir par un autre chien, beaucoup plus gros mais heureusement affublé d’un strabisme qui l’empêcha de bien considérer sa proie. Ce qui fait qu’il rata le petit chien et s’écrasa lamentablement le museau sur une poubelle. Encore une…

Dans la rue du Ponant les pavés sont mal joints et parfois l’un se détache un peu, formant un petit obstacle. Son pneu avant frôla l’obstacle et ça le déséquilibra. Il fit une petit embardée sur sa gauche, pas beaucoup, quelques centimètres, mais cela suffit pour faire peur à un livreur de pizza qui venait de sortir du coffre de son scooter trois « margharita » et deux « trois fromages » et les tenait d’une main pendant que de l’autre il fermait le coffre sur le porte-bagage. Il y eut un mouvement tournant.

Le gars essaie de garder la pile de pizzas en équilibre, mais sa main a mal calculé la hauteur de la pile et vient la heurter avec une certaine violence, ce qui envoie les cinq cartons valdinguer contre la vitrine d’un coiffeur chic pour dames d’une bonne classe sociale. Les cartons s’ouvrent, les pizzas en sortent, viennent s’écraser sur la vitrine, elles dégoulinent de sauce tomate et de fromage fondu, une d’elle (une Trois-fromages probablement) reste un moment collée à la vitre puis commence à glisser doucement. Le coiffeur sort précipitamment, glisse sur une margharita, tombe sur son derrière, le choc lui fait lâcher le bol de teinture rouge qu’il s’apprêtait à appliquer sur la tête d’une jeune femme aux cheveux très courts, le bol rebondit au sol, éclabousse un monsieur très digne vêtu d’un beau costume clair. Le monsieur pousse un cri, le coiffeur pousse un cri, le livreur de pizza pousse un cri, le cycliste, n’a rien entendu parce qu’il est déjà loin…

On a l’impression un instant qu’il pourrait être pressé.

Il passe à toute allure le bas de la rue Barse à partir de la petite place du Puits Dallien. Une de ses pédales (la droite) heurte un vélo qui était appuyé contre une sorte de garde-fou entre le trottoir et la chaussée. Mais la plupart des gens passent côté chaussée parce que le trottoir est encombré par les petites tables d’un restaurant qui sert des plats exotiques. C’est joli, c’est coloré, ça prend toute la place, ça sent plutôt bon, on fait le tour par la place pavée que longe le trottoir/terrasse.

Le vélo heurté tombe, entraînant avec lui un autre vélo posé de même sur le garde-fou. Un des convives se précipite pour les retenir, parce que l’un est le vélo de sa femme et l’autre son propre vélo. En se levant il entraîne sa chaise qui tombe en arrière, il veut la retenir aussi mais on ne peut pas tout faire en même temps. Il se prend les pieds dans le pied du parasol et celui-ci commence à tomber à son tour. Notamment sur la tête d’un homme qui déjeunait seul à une table, la tête couverte d’un beau Panama très élégant et sans doute d’un prix conséquent. Le bonhomme est estourbi, le Panama écrasé, les vélos tombent quand même, le parasol est détruit, trois tables sont à terre, celui qui a tenté de retenir les vélos est tout penaud, il y a de la sauce partout et une grosse dame profère des jurons qui sont sans rapport avec la dignité qu’elle devrait savoir garder en toute circonstance. Notre jeune cycliste continue sans se retourner. On peut, de plus en plus raisonnablement, penser qu’il est quelque peu pressé.

Sur son chemin le jeune cycliste fit encore tomber un étalage de fleurs devant chez le fleuriste, un présentoir à chaussures devant chez le marchand de chaussures, un présentoir de journaux devant chez le marchand de journaux. Renversa les cafés qu’un garçon de café tenait sur un plateau pendant qu’il traversait la rue afin de les porter à des collègues commerçants de l’autre côté de la chaussée. Grilla la priorité à une voiture de police, laquelle freina brutalement, ce qui fit que la jeune policière qui était équipière écrasa le sandwich (salade-thon-mayonnaise) qu’elle tenait à la main sur son uniforme tout propre. Elle s’en étrangla d’indignation, se mis à tousser horriblement et son collègue au volant dû lui taper dans le dos pour qu’elle expulse la bouchée qui lui coinçait la gorge. Voyant ça, des passants crurent à une bagarre, comme dans les films, et tentèrent d’intervenir et l’un téléphona même au commissariat, ce qui entraîna par la suite à la fois des remontrances salées de la part du Commissaire (il est interdit de manger pendant le service), des récriminations de la part de l’atelier qui entretenait les véhicules (elle en avait mis partout, surtout de la mayonnaise et de l’œuf dur, celui-ci non prévu dans le sandwich mais que le tenancier de la sanwdwicherie lui avait ajouté gratuitement, parce qu’il était secrètement amoureux de cette policière, ce qui n’est pas interdit, quand même !) et les moqueries de l’ensemble des collègues du commissariat pendant plusieurs mois, sauf un policier qui avait de l’expérience, qui se moquait bien de tout ce qu’il pouvait arriver là parce qu’il était à moins d’un an de la retraite et ne songeait qu’au moment où il pourrait définitivement rejoindre sa Bretagne natale.

Tout cela à vive allure, comme depuis le début.

Le cycliste rejoignit enfin le petit groupe d’amis qui l’attendait. Il fut accueilli de quelques réflexions disant qu’on l’attendait une fois de plus, que c’était toujours comme ça. L’un d’eux, soutenu par une d’elles, disant même qu’on l’attendait toujours, quoi qu’il arrive, que dans la bande il était toujours un peu ramolli, et qu’on n’était pas loin de l’ennui dès qu’il pointait son museau. Voire même carrément dans la Mer des Sargasses de l’ennui !

Pas si sûr !…

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Henri-Pierre Juguet

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