Poèmes - Poésie
Vous trouverez ici quelques exemples de mes poèmes. Bien loin d’être exhaustif !!
Il y a de tout. Très peu de poèmes « classiques », beaucoup de vers libres, de la poésie en prose.
Revenez de temps en temps, j’en rajouterai selon l’inspiration…
J’ai mis tout ça un peu en vrac, mais j’ai tout de même rassemblé quelques Haïkus….
Jaune
Vous m’aviez demandé de faire pour vous quelque chose qui fut jaune.
Un tableau, un poème, une lettre.
Voilà :
Jaune comme le soleil qui bronze ta peau et lui donne ce goût sucré-salé que j’aime à cueillir à la pointe de ma langue au creux de ton épaule.
Jaune comme cette fleur que tu accroches à ton corsage et que fébrilement ma main froisse dans l’impatience du désir.
Et jaune comme ce rire qui fut le tien, ne sachant rire ou pleurer, lorsque j’annonçai que je te quittais.
Moi, vois-tu,
je n’aime que le bleu.
(H-P Juguet)
Remembrance
Ne reste plus que la pierre et le plâtre, un parfum de jours passés et l’odeur des craintes.
Soleil flou, couleurs flétries, la fenêtre découpe un monde de chaque côté dissemblable.
Soleil projeté, ombre verte.
La femme y songe, là, à d’autres temps qui n’ont pas été ;
puis,
à la porte immobile ouverte sur l’absence, impalpable frontière entre deux vides immobiles,
elle s’allonge et goûte ce qui aurait pu être comme la remembrance particulière du passé d’une autre.
(H-P Juguet)
Pour toi
Je voudrais faire pour toi
toujours
quelque chose de nouveau.
Ecrire une phrase jamais écrite par personne,
ou inventer des mots rien que pour toi,
que toi seule comprendrais
que toi seule comprendra ;
Peut-être même juste une lettre, un signe, un point.
Un point d’une forme qui n’existait pas auparavant,
avec une couleur qui n’existait pas auparavant
une épaisseur que n’ont pas les points d’habitude,
et qui lui donnerait cette vie
que toi seule saurais vivre.
Je voudrais inventer des photos
avec des couleurs que tu serais seule à voir,
et moi avec toi,
et qui t’enchanteraient
qui m’enchanteraient
qui feraient briller nos visages
et mettraient dans nos veines
des gouttelettes de miel,
des gouttes de bonheur.
(H-P Juguet)
Neptune
Sur Neptune il y a une fleur
qui orne ses cinq anneaux.
Quand le soleil y pose ses rayons adoucis
elle s’ouvre et regarde
le vaste monde des étoiles
et rêve en soupirant
après les amants de Pluton.
Dans ses yeux brille la lumière des dieux.
(H-P Juguet)
La Rencontre
C’était près d’une église
quelque part en Saintonge,
le pays ouvert où la vigne et la mer font l’amour dans le vent
dans l’odeur acre de la terre rugueuse
qui plie les coteaux et les fait onduler
de loin en loin
de loin en proche
et le blé qui pousse près de la vigne
le pain
le vin
côte à côte
avec le sang des hommes
la sueur des hommes
tout pour que la terre donne ses richesses
et plus loin, bien plus loin,
la coquille dure d’une huître
là où la mer entre dans la terre comme les humeurs de la vie
se mélangent
là où la terre s’oublie dans la mer pour féconder les champs d’algues
que la marée fait ployer.
C’était près d’une église.
Des touristes allemands prenaient des photos
timidement
sur la pointe des pieds
sans déranger
faisant face aux modillons grimaçants.
J’attendais sous le soleil.
Il y avait ta peau que je devinais
ton sourire que j’imaginais,
et l’odeur apportée par le vent d’une fleur inconnue et mauve
qui avait à ce moment pour moi la couleur de ton parfum.
Il y avait aussi, je crois,
un Danois du Danemark,
le royaume où se pourrit le souvenir des rois,
qui regardait les fleurs au bord du chemin,
sournoisement,
et qu’un chien triste et jaune suivait du regard
assis sur son derrière non loin d’un puits dans lequel une vieille femme, qui souriait,
jetait des miettes pour nourrir qui ?
Quand j’ai passé ma main derrière ton épaule,
plus tard,
quand tu es arrivée, sourire en avant, rire en avant
un oiseau a chanté.
Quand j’ai frôlé ton sein une cloche a tinté
Puis nous étions dans l’église.
L’odeur de la pierre et du vieux bois
la poussière du banc où nous étions assis
les pas d’un personnage que nous ne pouvions voir
mais que nous croyions deviner noir et sombre ;
l’odeur un peu moisie, douceâtre,
l’odeur du salpêtre qui ronge
mais l’odeur recueillie, pénombre, isolement du monde,
nid, accueil, refuge.
Plus tard, la voix du personnage nous a montré la lumière, dans un rire,
dans une presse,
et le soleil retrouvé nous a ébloui.
Dans le bâtiment lourd et profond comme une matrice de quelque monstrueuse femelle,
où serait née cette pulsation qui nous emportait,
la lumière des vitraux éclairait ton front
dessinait sur ta gorge des motifs que j’aurais voulu suivre des doigt et de la langue.
J’ai posé ma bouche et j’ai fermé les yeux
aspirant ta douceur et aspirant un peu de ta vie,
humant ton parfum au ras de ta peau,
abandonné aux effluves qui montaient de ta poitrine soulevée,
soulevé moi-même ivre de ta chair palpitante.
Dehors, bien après, inquiets des regards du monde, nos corps se sont reconnus.
Mains, bouche,
langue,
le genou qui monte et qui appuie, qui presse,
qui donne à ressentir l’impériosité du désir
le nez qui cherche un creux où se pelotonner,
une douceur,
la joue caressée d’une peau fragile et lisse et douce.
Comme elles couraient, nos mains,
comme elles aspiraient, nos bouches avides,
comme elles s’enroulaient, nos langues aux papilles en alerte.
Nous goûtions un fruit nouveau,
nous goûtions une salive nouvelle,
nous savourions l’exquise découverte de saveurs inconnues,
reconnues, attendues,
de saveurs enivrantes, à la nouveauté des corps.
Ô mur, mur qui nous accueillit, nous protégea,
mur qui abrita notre première étreinte inachevée,
comme je t’aime maintenant, dans ta pierre,
dans ton mortier,
dans la solidité centenaire qui veilla sur les amours adolescentes
de nos arrières-grands-parents et tous les ancêtres qui firent ce pays, ce village, ce lieu calme et fort.
Je revois le grain de ton calcaire fatigué, usé, mais empli de sagesse,
tandis que mes mains couraient, pressaient,
s’introduisaient sous des vêtements qu’on aurait voulu de trop,
et que des mains sur moi visitaient mes endroits cachés mais impétueux et suppliants.
Nous goûtions la chair timide mais avide,
cachée, s’offrant à l’autre chair, à l’autre caresse.
Nous apercevions furtivement l’objet impérieux du désir,
nous collions à nos corps frémissants
des parties du corps hypnotique,
miroirs d’âme et d’abandon,
miroirs de tensions croissant avec la conscience du danger,
avec l’envie de l’abandon et la peur d’y céder sous le regard inconnu du passant.
L’éternité nous avait engloutis,
brève et fugace,
éphémère,
caduque,
une éternité de circonstance et d’oubli de nous,
d’oubli du monde dans la sphère invisible et infranchissable qui nous recueillait,
absents du monde et présents à nous-mêmes ô combien !
Un temps sans fin fini trop tôt
qui nous laissa hors du monde des gens qui passent
et des touristes allemands ou danois partis depuis longtemps
rejoindre la terre des fantômes d’humains à qui pendant un instant d’éternité
plus rien ne nous avait rattachés.
(H-P Juguet)
Vouloir libère
Vouloir l’Ibère.
O mon Dieu,
cette Ibère, cet hiver,
que mon coeur l’a voulue.
Je me serais niché tout rond
au creux de ses jupons.
A vouloir l’Ibère
l’hiver a passé
et trépassés sont mes étés.
Avoue, loir, l’hiver envolé
à rêver d’Ibère
à dormir et rêvasser.
L’Ibère au lit vert
olive et verte.
Où passer l’été ?
(H-P Juguet)
Quelques Haïkus
Le soir au jardin,
je ramasse les pétales
de la première rose fanée.
Au détour d’une allée,
le chat
sous un framboisier fleuri
Journée torride,
plus la moindre fourmi
sous la planche abandonnée
Chaleur étouffante,
nuit courte et claire ;
au matin : un message.
Plus qu’un oeuf dans la boite,
par cette chaleur
il en sortira un poussin !
Un courant d’air
fait bouger mon rideau.
Nuit orageuse.
Dans le soir calme,
qu’il est long le cri de la femme
dans la maison d’en face
Coquine,
la brise de printemps
fait danser les jupes
A l’heure de la sieste
un air de senza ;
un merle siffle
Sur le cuivre poli
des mots gravés,
et dans les mots l’amour du monde
Au soir deux petits nuages
blancs dans le ciel bleu ;
au sud au nord
« La dernière lumière s’éteint,
le silence de la nuit,
clin d’oeil à une étoile ».
Une femme attend
les pied dans une flaque
et ne sait rien de l’heure
Celui qui court
ne voit pas la fleur
délicatement fanée »
(H-P Juguet)